Camera Pace-Cameron Fusion

A chaque projet il ne met pas simplement en pièces l'enveloppe du budget. Il la pulvérise, la désintègre. Avec lui, tout est possible. Viré de son premier film, il entre par effraction dans la salle de montage - et le producteur doit appeler la police. Quand un exécutif en costume- cravate vient lui expliquer sur le plateau d'Abyss qu'il faut aller plus vite, il le jette dans le bassin d'eau dans lequel se déroule le tournage et tente de le noyer, Alors qu'ils filment True Lies, la star Arnold Schwarzenegger a un besoin urgent : il lui interdit d'aller pisser.C'est un cinéaste unique, extrême, méticuleux, visionnaire, matriarcal, mais accusé d'être superficiels populiste, copieur, grossier et machiste. Humaniste, on le prétend fasciste.

C'est une contradiction, mais il est à la fois l'un des réalisateurs les plus populaires et les plus sous-estimés. C'est même, carrément, l'un des plus méprisés. C'est qu'il ne vient pas d'une école de cinéma, Ni d'une famille triquée. Il s'est formé sur le tas. Sans passer par la case USC.

Entré dans l'industrie par la petite porte, James Cameron a gravi les échelons un par un. Une fois au top, il a même fait ce qu'aucun cinéaste au monde n'aurait fait : il a crié qu’il était le «roi du monde». Et il a arrêté.

LOS ANGELES, 1984, 1H52

Aujourd'hui, il est de retour. Et c'est comme si rien n'avait changé. On l'accuse, encore et toujours, d'être un égo-maniaque. De dépenser plus d'argent que le budget annuel d'un pays en voie de développement. D'être un mauvais scénariste, doublé d'un réalisateur star capricieux qui n'en fait qu'à sa tête. Et si tout le monde avait tort ? Si la machine à voyager dans le temps de Terminator existait, il serait intéressant de s'en servir pour se matérialiser à Tarzana, Californie, au nord de Los Angeles, au printemps 1984. Tarzana est alors l'antichambre de Hollywood - un district pas très éloigné de L.A., mais assez distant pour que ceux qui gelèrent dans la cité du rêve puissent s'y payer un loyer. Là, dans l'appartement d'un certain William Wisher, James Cameron squatte le séjour avec trois bureaux entreposés dans la pièce, chacun équipé d'une machine à écrire électrique. Changeant, à chaque fois qu'il passe d'un bureau à l'autre, le 33 tours sur la platine vinyle, il écoute du rock new wave au bureau 1 (ou il rédige un script intitulé The Terminator), la bande originale d'Apocalypse Now pour le bureau 2 (où le titre du scénario est Rambo : First Blood Part 2), et Les Planètes de Gustav Holst (particulièrement le premier morceau, Mars, celui qui apporte la guerres), pour le bureau 3, où le script s'appelle Alien 2.

Dans ce séjour sont en train de s'écrire plus de 350 millions de dollars de futures recettes au box-office américain, Mais Cameron n'est pas seul. A part William Wisher, qui tend de temps à autre des feuilles de dialogue manuscrites que Cameron intègre au script de "The Terminator", un autre barbu nommé Randall Frakes est aussi présent, et revoit les pages des scénarios. Tout comme Gale Anne Hurd, une petite femme qui prend également des notes et fait des suggestions à l'auteur. C'est là l'un des "secrets" les plus mal gardés de James Cameron. L' "égo-maniaque imbu de sa personne et n'en faisant qu'a sa tête" n'est en effet pas un, mais plusieurs. Il l'est même depuis ses premiers courts-métrages en Super 8 dans les années 60. Et une femme/muse n'est jamais très loin.

Biographie James Cameron

HUMBLES BEBUTS

Egoïste ? Lui ? Jamais. Né en aout 1954 à Kapuskasing, dans l'Ontario, au Canada, James Cameron est l'aîné de 5 enfants, et a grandi entouré de frères et sœurs - pas exactement le profil de l'artiste dingue vivant seul dans sa mansarde, drapé dans l'idée que son «grand génie» ne peut être sujet à discussion. Fou de comic-books, principalement les Marvel - ses préférés sont X-Men, Spider-Man et Hulk, Cameron est aussi très tôt un peintre accompli : il a appris à dessiner en décalquant ses BD (que son père jette à la poubelle, mais qu'il va récupérer dans la nuit) et rêve de devenir dessinateur chez Marvel.

Déjà, les femmes tiennent une place prépondérante dans sa vie - peu lié à son père ingénieur autoritaire, ses modèles sont sa mère, Shirley, une artiste, et sa grand-mère Rose (sic), une enseignante. Son compagnon le plus proche est son frère Mike, qui dès son plus jeune âge montre pour sa part un talent inné de constructeur et d'ingénieur. Il deviendra plus tard l'un des membres principaux de l'entreprise Cameron, développant et construisant structures et caméras. Mike Cameron est d'ailleurs indissociable de son frangin, les deux se complétant. On peut même dire qu'ils forment le noyau de la personnalité publique de James Cameron, l'un étant l'artistique, et l'autre l’ingénierie - et parfois l'inverse. Un jour qu'un plus grand les chahute, James décide d'aller découper les pieds de la cabane du garçon pour le punir, et Mike amène la tronçonneuse. A moins que ce ne soit le contraire ? Toujours est-il que l'infortuné adolescent finit à l'hôpital, broyé dans les débris de sa bicoque écroulée. . .

A l'âge de 15 ans, la vision de "2001, l'odyssée de l'espace" de Stanley Kubrick galvanise James Cameron au point qu'il retourne voir le film en salles une dizaine de fois. Fasciné par les images présentées à l'écran, il épluche tous les livres qu'il peut trouver sur le long-métrage et réalise ses premières œuvres en Super 8 amateur. Nous sommes en 1968/1970. «Niagara, or How l Learned to Stop Worrying and Love the Falls» est le seul dont le titre nous est parvenu, renvoyant à Docteur Folamour de Kubrick et aux chutes du Niagara. Apparaissent déjà deux des obsessions futures du cinéaste - le nucléaire et la mer !

Biographie James Cameron

XENOGENESIS - LA GENESE

En 1971, la famille Cameron émigre à Brea, en Californie, près de Los Angeles. James fait la connaissance, au Fullerton Collage où il poursuit des études de physique, de sa future première femme, Sharon Williams. Sharon est une autre des personnes-clés de sa carrière : c'est elle qui lui présente ceux qui deviendront ses amis et collaborateurs, William Wisher et Randall Frakes - et qui finance ses essais en Super 8, en travaillant comme serveuse dans un restaurant (Cameron lui rendra hommage dans Terminator en faisant de Sarah Connor une serveuse).

Quand, en 1977, Cameron voit "La Guerre Des Etoiles" au cinéma, il se prend une claque, réalisant que quelqu'un a porté à l'écran les visions dantesques dont il rêvait. Ayant été en quelque sorte «doublé», il n'a alors plus qu'une obsession en tête : être cinéaste. Son ami William Wisher, qui veut alors devenir acteur, lui parle d'un groupe d'investisseurs, un consortium de dentistes désireux de faire des économies sur leurs impôts en produisant un film.

Coécrit et coréalisé par Randall Frakes et James Cameron avec dans le rôle principal William Wisher. Xenogenesis est un impressionnant court-métrage de 20 000 dollars dans lequel on peut déjà trouver les images, sons et designs de toute la future filmographie de Cameron. Héros cyborg ? Check. Machines romantiques tueuses ? Check. Femme aux commandes d'un mecha ? Check. Ralentis étirant le temps comme dans un cauchemar ? Check. Les bruits de machines, conçus au synthétiseur par Frakes, seront même samplés sept ans plus tard pour le final de Terminator ! Le générique, bâti sur des peintures de Cameron, donne le ton. Non seulement ce gars-là est visionnaire, mais c'est aussi un excellent designer.

Biographie James Cameron

PIRANHA 2 - UN MONDE NOUVEAU

Tourné en 35mm comme en 1977, mais jamais terminé, Xenogenesis semble avoir été monté au moins deux ans plus tard par Cameron, qui l'utilise comme une démo pour trouver du travail. Son film sous le bras, il va frapper aux portes des studios mais ne rencontre que l'indifférence. Jusqu'à ce que Roger Corman, qui sait renifler les talents (Scorsese, Coppola, Bogdanovich pour ne citer qu'eux), l'embauche au sein de sa compagnie New World Pictures. C'est là que Cameron fait la connaissance de la deuxième femme de sa vie, Gale Anne Hurd, qui va aussi énormément influer sur sa carrière. Le passage du futur cinéaste chez Corman est l'un des moments-clés de sa formation. Conscient de ses lacunes en tant que scénariste, il s'est payé le livre de Syd Field, Screenplay, et apprend à écrire avec. Parallèlement, il infiltre les productions Corman, au point que l'on pourrait, en puisant dans les films auxquels il a collaboré, monter un autre promo reel à base de plans et extraits portant indéniablement sa patte, et montrant notamment un lien visuel évident avec Xenogenesis.

L’histoire de Piranha 2 - les tueurs volants est racontés dans la rubrique filmographie du site. Ce qu'on sait moins, c'est que de retour du tournage en 1981, James Cameron est sans domicile fixe, en état de quasi-clochardisation, survivant avec des coupons réductions McDonald's que sa mère lui envoie par la poste. Hébergé chez William Wisher, il a compris que seul, confronté à un système qui n'est pas le sien (celui du cinéma italien), il n'avait aucune chance. C'est à ce moment-là qu'il va cimenter ce qui deviendra, informellement, son organisation : il vend les droits de Terminator à Gale Anne Hurd pour un dollar, avec la promesse que lui seul réalisera le film. Wisher et Frakes ne sont jamais très loin. Ils connaissent si bien tous les détails de The Terminator et de son univers qu'ils vont en écrire la novélisation. Des années plus tard, Wisher coécrira Terminator 2 avec James Cameron. La structure du scénario sera entièrement conçue en présence de Frakes, qui en signera encore la novélisation. Ce dernier, bien que non crédité à l'écran, participera à l’élaboration des scripts de True Lies (son nom apparaît dans les crédits de la bande-annonce teaser) et certainement Titanic, dont il rédigera le livre-scénario annoté du film.

Biographie James Cameron

TERMINATOR - JE REVIENDRAIS

Dans les mois qui suivent, Cameron peint quelques affiches de films pour subvenir à ses besoins. En voyant "Mad Max 2" de George Miller, il a une révélation qu'il qualifiera analogue à la vision du premier "Star Wars". "Mad Max 2" complète, avec également "2001, l'odyssée de l'espace", la trilogie des trois œuvres ayant le plus influencé Cameron. «Je me suis repassé le film de Miller au magnétoscope à l'endroit et à l'envers» déclarera-t-il plus tard. Il confie alors à William Wisher son rêve : rendre la série B noble et crédible, en travaillant les personnages, les effets spéciaux ne devant jamais prendre le pas sur eux. Ecrit sous l'influence évidente du style Miller, le script de Terminator, dont le pitch est accrocheur, mélange le genre alors populaire du flasher momie (le Terminator est le croquemitaine) à la science-fiction, et attire de nombreux studios.

Mais nul ne veut du jeune scénariste au poste de metteur en scène. Pourtant, à force de ténacité, le vent finit par tourner. Le projet, avec Cameron comme réalisateur, est acheté par Hemdale et mis en chantier. Sur la base de son scénario et du story-board qu'il a dessiné pour Terminator, Walter Hill et David Giler, les producteurs d'Alien, lui confient l'écriture de la suite du film de Ridley Scott, tandis que les producteurs de Rambo, Mario Kassar et Andrew Vajna, eux aussi impressionnés, l'engagent pour rédiger Rambo II. C'est là que naît l’incompréhension qui opposera Cameron à l'industrie et au public. Personne en effet ne comprend comment le réalisateur de Piranha 2 peut se retrouver sur des longs-métrages aussi prestigieux.

Interrogé par un journaliste à deux semaines du début du tournage de Terminator sur le plateau de Conan le destructeur, Schwarzenegger raconte même que le projet est «un film de merde à petit budget qui n'a aucun sens, où des gens qui viennes du futur se tirent les uns sur les autres. Je n’y comprends rien». Déjà, le réalisateur, habité par ses visions, n'a que faire de ce que les autres pensent, même les acteurs. «J’étais persuadé â la fin du tournage qu'il était du côté des machines» avouera quelques années plus tard Linda Hamilton. Schwarzenegger, pour sa part, pense que «ce mec est complètement à la masse».

Tous changent évidemment d'avis lorsque Cameron montre le premier assemblage du film. Mais le studio, malgré les efforts d'Arnold (qui s'est tout à coup ravisé), refuse d'investir plus d'argent dans la campagne promotionnelle et le mixage, qui sera réalisé en mono. Bien que persuadé de tenir enfin son premier vrai film, Cameron fait preuve d'une rare humilité: «On va se faire démolir par les blockbusters de la rentrée» avoue-t-il dans Starlog avant la sortie. «2010 et Dune…Tout le monde va préférer aller voir ceux-là, et je ne peux pas leur en vouloir, j’irais les voir moi aussi.» Pour une fois, il se trompe complètement. 2010 et Dune sont des fours, et c'est Terminator qui, salué par le public et quelques rares critiques comme une véritable révélation, devient en octobre 1984 un classique quasi instantané.

Biographie James Cameron

ALIENS - CETTE FOIS, C'EST LA GUERRE

Tout à coup considéré comme «hot» à Hollywood, Cameron a rapidement l'opportunité de réaliser Alien 2 d'après son propre scénario, désormais intitulé Aliens. Dans le même temps, son script pour «Rambo II - la mission» est largement réécrit par Stallone (qui regrettera par la suite cette décision). La campagne anti-cameron s'intensifie au moment où le film sort sur les écrans en 1985, ce dernier étant taxé de propagande d'extrême droite. Le cinéaste s'en défend : «La politique est de Stallone, l'action est de moi». Mais les journalistes s'en foutent. On oublie même, de manière très commode, que Cameron a été hué par un auditorium entier dans une université de L.A. quand il a expliqué ne pas être un supporter de Reagan.

La même année, il se marie avec sa productrice et co-scénariste Gale Anne Hurd, et part filmer Aliens à Londres, où l'accueil est glacial. On lui en veut, en effet, de tourner la suite d'un chef-d’œuvre de Ridley Scott, qui lui, est respectable ! Les incidents se succèdent, le directeur de la photographie refusant dans un premier temps d'éclairer les scènes comme Cameron le souhaite, puis ergotant sur les délais de tournage qu'il pense impossibles à respecter. Il est viré, et Adrian Biddle prend la relève sur les conseils de Ridley Scott (Biddle était cameraman sur Les Duellistes et Alien).

Ensuite, James Remar, qui interprète Hicks, se dispute avec Cameron sur le plateau, et l'altercation dégénère (on murmure que l'un aurait bousculé ou donné un coup de tête à l'autre, mais chacune des parties refuse de s’exprimer sur le sujet). Remar est à son tour remplacé au pied levé par Michael Biehn, et la rumeur dit que sur ses tournages suivants, le cinéaste se paiera deux gardes du corps peur éviter les engueulades avec les acteurs et figurants. Enfin, l'assistant-réalisateur décide que Cameron est indigne de mettre en scène la suite d'Alien, et œuvre pour le faire virer en espérant réaliser le film à sa place ! Cameron et Hurd tentent de calmer les esprits en organisant pour l'équipe des projections de Terminator qui n'est pas encore sorti en Angleterre. Mais la salle reste vide. Cette haine, cette volonté d’écraser le réalisateur jusqu'à ce qu’il soit réduit en bouillie, la presse la relaye à la sortie du long-métrage en 1986. Même le studio Fox n’y croit pas, puisque ses cadres balancent tout leur budget promo sur SpaceCamp, qui rapportera au total 9 millions de dollars. Pendant ce temps, Aliens va en récolter 131, ainsi que 2 Oscars (meilleurs effets visuels et meilleur son). Au final, le film sera dominé 7 fois. Cameron, lui, sera élu réalisateur de l’année par la National Association Of Theater Owner. Mais la reconnaissance de la presse tarde à venir.

Dans le courrier des lecteurs de starlog, pour la première fois dans l'existence du journal, des dizaines de lettres critiques sont imprimées, pointant des incohérences là où il n'y en a pas, au point que Cameron doit se fendre d'un droit de réponse pour remettre les pendules à l'heure. En France encore plus qu'ailleurs, on assiste à une véritable campagne de dénigrement menée de front par Frédéric Mitterrand. Traumatisé par la vision du film, le critique fustige le réalisateur devant des millions de téléspectateurs dans son émission Etoiles et toiles, le traitant en substance d'Attila le Hun du cinéma : «Le remplacement du film de guerre par le FLIPPER, où des Rambos unisexes exterminent des noirs, des jaunes, des intellectuels, des pauvres et des extraterrestres, bref, des mollusques intra-humain et certainement COMMUNISTES, directement dans la RETINE et le TYMPAN du spectateur, affirme une syntaxe : le plan de DEUX SECONDES, et un objectif : envoyer également AD PATRES TOUTE DISTANCE, TOUTE REFLEXION et TOUTE REALITE PSYCHOLOGIQUE ! Là où les anciens films de guerre exaltaient des valeurs humaines peut-être simplistes, mais en tout cas bien réelles, le STALLONORAMA préconise finalement le meurtre pur et simple, à travers le massacre de l'idée de cinéma ! Le pire, cent que c'est toujours amusant et excitant de voir détruire ce qu'on aime» vomit-il avec sa fameuse diction.

Ce laïus est révélateur : l'impact sonore et visuel des films de Cameron est alors tel que beaucoup de critiques, couinant comme des poules déplumées sous la neige à la sortie de la projection, refusent de voir en lui le cinéaste du futur, et brandissent le spectre de la tradition. Chez James Cameron, les champs de bataille sont aussi psychologiques, et les personnages crédibles et fouillés, Mais cela n'a aucune importance pour cette intelligentsia du cinéma qui ne voit en lui qu'un vulgaire faiseur, et va continuer dans les années qui suivent à s'acharner, entretenant à son sujet la méprise et l’incompréhension.

Biographie James Cameron

DE ABYSS A TERMINATOR 2

Après la sortie d'Aliens, Cameron planche, toujours avec son équipe, sur une dizaine de traitements de 45 pages, qu’il part ensuite présenter aux studios. C'est à cette époque que sont conçues les premières ébauches de Terminator 2 (avec déjà le concept du «Bon Arnold»), Abyss et Strange Days. Le cinéaste a une manière peu orthodoxe de travailler : comme un scénariste débutant, il rédige les sujets de sa propre initiative, sans être payé, et ensuite seulement, tente de les vendre. En 1988/89, il écrit et réalise Abyss, mais devant la démesure du tournage et la campagne de presse qui l'entoure, il perd pied, charcutant le montage en coupant l’un des trois Climax, compromettant sa formule à succès (il se rattrapera en ressortant plus tard le film en salles dans sa version intégrale).

Divorçant avec Gale Anne Hurd, il se remarie avec la réalisatrice Kathryn Bigelow, pour qui il coécrit et produit le thriller Point Break (1991). Simultanément, il coécrit (avec William Wisher), coproduit et met en Scène Terminator 2 - le jugement dernier (1991), tout en divorçant de Kathryn Bigelow pour se marier avec l’actrice Linda Hamilton ! Malgré tout, Bigelow est devenue la muse du cinéaste. On peut considérer que s’il existe une tétralogie Cameron/Hurd (Terminator, Aliens, Futur Immédiat Los Angeles 1991 que Cameron à coécrit, et Abyss), il en existe une Cameron/Bigelow (Terminator 2, Point Break, True Lies et Strange Days), clairement sous influence à la fois visuelle et thématique de la jeune femme. Avec Bigelow, le propos politique, toujours sous-jacent dans les films de Cameron, est mis consciemment en avant, agaçant encore plus la critique.

Terminator 2 va devenir un énorme succès, au point que le public tord littéralement le bras du réalisateur pour qu’il en édite une regrettable version longue, qui malheureusement va prendre dans l’esprit des spectateur la place de la version initiale (contrairement à Abyss, les scènes supplémentaires n’apportent rien, et diluent le coté violent du long-métrage, «bouffonnant» même le T-800 au point que certain fans considèrent aujourd’hui T2 comme une trahison, oubliant le montage cinéma, sec, direct et digne suite du premier). Désormais abonné au succès, Cameron se voit tout reprocher, surtout le changement du personnage du Terminator, que beaucoup pensent imposé par Schwarzenegger pour des raisons d’image (ce qui est faux, cette idée datant de 1986, dès les premières ébauches du film, et Arnold, qui aimait déjà reconduire les formules à succès, y était opposé !).

TRUE LIES

Cameron enchaîne en 1994 avec True Lies, remake de "La Totale", qui pulvérise encore les records de budget et fait jaser toute la planète cinéma. C'est que Cameron semble avoir désormais un besoin viscéral de coucher les images qu'il a en tête sur des toiles toujours plus grandes, toujours plus démesurées.

Succès relatif aux USA («seulement» 146 millions de dollars), le long-métrage cartonne pourtant à l'international, où il rapporte plus de 232 millions, soit un total de près de 400 millions. Ce qui n'empêche pas la presse de dire qu'il s'est «planté». C'est en effet la fin d'une époque, celle des films à gros bras, et True Lies est un adieu en forme d'enterrement de première classe, l'un des trois climax remakant carrément celui de Commando à lui tout seul. Dans la foulée, Cameron coécrit et coproduit Strange Days, dont il a conçu un premier jet en 1986. Ce thriller paranoïaque, réflexion sur la fin du XXe siècle réalisée par Kathryn Bigelow, est un four au box-office (le film a depuis trouvé son public en DVD et est désormais considéré comme culte).

En 1995, le cinéaste met en scène l'incroyable suite de Terminator 2 intitulée T2 3-D : Battle Across Time, tout en préparant Titanic. Chef-d’œuvre absolu de Cameron, le long-métrage est un condensé abouti de toute sa filmographie du XXe siècle. Mais il va générer tellement de difficultés de tournage et de prédictions désastreuses que l'on peut comprendre, a posteriori, pourquoi Cameron a finalement décidé, après sa sortie triomphale, de jeter l'éponge. En effet, quel autre réalisateur peut, paradoxalement, réussir à la fois ses films et susciter autant de haine, de critiques et d'incompréhension ? «ils ont dit que nous étions les plus grands imbéciles de l'Histoire. Ils ont aiguisé leurs couteaux pour nous tailler en pièces et puis finalement ils n'ont pas pu. Je les emmerde. Qu’ils aillent tous se faire foutre !» déclarait-il au New Yorker.

Biographie James Cameron

L'APRES TITANIC

C'est sans doute la vraie raison pour laquelle Cameron a disparu. Ses projets de la fin des années 90 n'ayant pas abouti (on pense à la nouvelle version de La Planète des Singes, qu'il voulait produire et écrire avec Arnold dans le rôle de Charlton Heston, Terminator 3, Spider-Man...), le réalisateur a compris qu'il fallait faire machine arrière.

La quarantaine passée, il lui appartenait de se régénérer - et de cesser de s'user mentalement et physiquement avec les difficultés de tournage du XXe siècle, juste pour arriver à matérialiser ses visions à l'écran. Fondant une famille (cette fois avec Suzy Amis, actrice jouant la fille de Rose dans Titanic), il s'est investi ces douze dernières années dans des documentaires, des œuvres de charité (Amis a créé et dirige une école à but non lucratif qu'il finance), tout en développant un nouveau système de caméras stéréoscopiques, préparant avec son frère Mike le cinéma du XXIe siècle qui, il le sait, passera par le digital et la 3D. C'est là encore l'un des paradoxes de James Cameron, qui va à coup sûr continuer à faire couler beaucoup d'encre : utiliser des zéros et des uns pour nous faire éprouver des émotions, C'est qu'au cas où vous ne l'auriez pas encore compris, cet homme, qui sait filmer les machines et concevoir les effets spéciaux comme personne…est aussi le plus humain de tous les réalisateurs.

Biographie James Cameron

David FAKRIKIAN - Portrait de James Cameron tiré de l'excellent numéro Hors Série de «Mad Movie» que nous vous recommandons.
>> Cliquez ici pour vous procurer ce magazine <<

James Cameron France